[article publié pour Fastener + Fixing Magazine | Issue 145: January 2024]
2023 a été une année de reprise pour l’économie en général, avec des améliorations significatives concernant le PIB mondial, les chaînes d’approvisionnement, ainsi que les prix des matières premières et de l’énergie. La reprise, bien que significative et bienvenue, n’a pas été suffisante pour retrouver les niveaux d’avant la crise de 1929.
Comme chaque année depuis Covid-19, 2023 n’a pas manqué de défis. Parmi les plus importants, la hausse des taux d’intérêt et les tensions géopolitiques ont menacé l’environnement incertain des entreprises. Toutefois, les taux d’inflation semblent désormais beaucoup mieux maîtrisés qu’au début de l’année – grâce à l’une des actions les plus fortes de la BCE et de la FED que le marché ait jamais connue.
L’industrie automobile a relevé ces défis au cours d’une période de grande transformation, grâce à l’effort herculéen de décarbonisation et au passage à l’électrification.
Ce changement est un coup dur pour les équipementiers traditionnels, qui l’ont à peine vu venir et courent maintenant après de nouveaux venus plus agiles et très appréciés par le marché. D’énormes investissements ont été alloués à l’électrification et « la machine » ne peut plus être arrêtée. Toutefois, il est vrai que le marché a quelques difficultés à digérer les prix élevés des véhicules électriques et hybrides et que les volumes ne sont pas aussi fabuleux que prévu, tout en étant très dépendants des mesures d’incitation gouvernementales.
En conséquence, certains investissements dans la technologie électrique ont été reportés ou réduits. Dans l’UE, l’effort de décarbonisation est le plus important. L’UE a fixé des objectifs très ambitieux et des réglementations qui ont un impact, mais les résultats se font encore attendre. Les limites de la norme EURO 7 ont été reportées par crainte d’avantages environnementaux insignifiants par rapport à des coûts de mise en œuvre énormes. Le CBAM (Carbon Border Adjustment Mechanism) est déjà en place dans sa phase transitoire et de nombreuses inquiétudes se font jour quant aux conséquences sur les prix des matières premières et la disponibilité des approvisionnements. Cependant, la principale préoccupation liée à l’électrification est qu’elle implique un déplacement radical du centre de l’industrie automobile vers la Chine, qui dispose de la technologie, de la chaîne d’approvisionnement et du marché qui permettent le développement de cette stratégie et promettent un avenir très brillant.
Avec plus de 25 millions de voitures vendues en 2023, une croissance estimée à 4 % pour les deux prochaines années et une offre de véhicules solide et innovante, la Chine est non seulement prête à devenir le marché automobile le plus énergique du monde, mais elle est également prête à attaquer le marché européen, ce qui est inédit et aurait été considéré comme une folie il n’y a pas si longtemps.
Alors que le secteur automobile est sous pression, le monde industriel sort de deux années consécutives de croissance à deux chiffres – grâce à la fin de la pandémie de Covid-19, ainsi qu’à l’amélioration des chaînes d’approvisionnement mondiales et des prix des matières premières. Cependant, le second semestre 2023 a déjà mis fin à cette période de reprise et les volumes s’ajusteront en conséquence en 2024. Il ne faut pas s’attendre à des baisses supplémentaires des prix des matières premières, au contraire, il existe un risque que certains prix (en particulier pour les métaux) rebondissent en raison de la volatilité de la situation.
L’industrie européenne des fasteners devra gérer tous ces défis avec des restrictions supplémentaires en matière de développement durable. L’UE accélère sa stratégie de décarbonisation afin de rétablir la parité concurrentielle avec ses partenaires extérieurs en tenant compte des coûts liés aux émissions de carbone. Le risque est de mettre en péril le système manufacturier européen en détruisant sa compétitivité par rapport au reste du monde. Nous devons donc plaider en faveur d’une transition progressive qui tiendrait compte de tous les aspects de la durabilité.
L’objectif, cependant, est de surfer sur les perturbations rencontrées dans chaque secteur et de saisir toutes les opportunités en s’adaptant aux nouvelles demandes du marché. Dans ce contexte, il est indispensable de miser sur l’innovation. Nous disposons d’outils puissants à cet effet, la digitalisation et l’IA n’attendent que des applications commerciales viables pour délivrer leur plein potentiel. La puissance de ces outils nous place devant un paradoxe : d’une part, ils pourraient remplacer massivement la main-d’œuvre humaine, mais d’autre part, nous n’avons jamais connu une telle pénurie de ressources humaines. Nous devons définir des politiques et mettre en place des organisations qui responsabilisent les personnes et leur donnent les bonnes opportunités pour obtenir des résultats.